A Propos
Guy Mallard, figure des arts populaires en Vendée, est à l’initiative de nombreuses manifestations culturelles. Cet Aubinois, passionné de liberté, a consacré sa vie à écouter les autres.
Avec son faux air de Léo Ferré, Guy Mallard ne passe pas inaperçu. Les Aubinois connaissent bien ce visage. Le cheveu hirsute et le regard clairvoyant, Guy est, depuis cinquante ans, un élément moteur de la vie culturelle locale.
Ce natif de Champs-Saint-Père a passé sa jeunesse à Nieul-le-Dolent. Lui, qui s’adonne déjà au théâtre, rêve de faire des études, mais son avenir professionnel semble déjà tout tracé. « À 14 ans, mon père m’a tout de suite rappelé qu’il y avait l’enclume et le marteau qui m’attendaient. » La forge, c’est une tradition familiale. « En 1700, il y avait déjà des Mallard forgerons à La Genétouze », sourit malicieusement Guy.
Appelé sous les drapeaux, il sera enrôlé dans les parachutistes. « C’était la première année où ils incorporaient des appelés chez les paras, et je peux vous dire que je n’y suis pas allé de bon coeur », confie l’octogénaire. Arrivent alors les événements d’Algérie ; Guy Mallard y passera trente mois et n’en ressortira pas indemne. « Ça m’a démoli. La Pacification, tu parles ! »
De retour en France, Guy Mallard a 22 ans et a besoin de tourner la page. Fini la forge. Il s’installe à Aubigny dans la minoterie familiale de son épouse. Là, c’est au sein de l’Amicale laïque qu’il retrouve ses marques. « J’ai toujours été attiré par la vie en société. »
« Une aventure magnifique »
En 1962, l’Aigaïl, groupe d’éducation populaire voit le jour. « Une aventure magnifique et indélébile. » En quelques années, l’Aigaïl, dont le nom signifie en patois la rosée du matin,dépasse le simple groupe folklorique, pour s’ouvrir à la recherche et à la collecte des traditions populaires.
« Tout vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui disparaît », commente-t-il.
Sa plus grande fierté, c’est d’avoir vu émerger, au sein d’un groupe de douze professionnels, des conteurs de renom, comme Yannick Jaulin et Gérard Potier. « Yannick était fils d’agriculteur et parlait le parlanjhe. Il avait une capacité incroyable à faire causer les gens», se souvient Guy, qui en rigole encore.
Outre le travail considérable de collecte d’histoires, musiques et chants, le groupe produit des spectacles librement inspirés de ce fond culturel.
Dans les années 70, l’Aigaïl tourne à plein régime. La qualité de leurs prestations est reconnue, avec un premier prix national à Dijon, et une participation au festival international de Drummondville, au Québec. Le regard toujours pétillant, notre bon vivant s’enthousiasme : «Vous imaginez Aubigny face aux autres villes du Monde ! » Une consécration, mais aussi un aboutissement. Guy décide, alors, d’aller voir ailleurs.
Dans les années 80, il se tourne vers la Bavière et la commune de Schwanfeld, en particulier. Les échanges entretenus avec cette ville, donneront lieu à un jumelage. Mais surtout, à des liens d’amitiés hors normes entre lui et Willi Kamm, son homologue bavarois. « Nous étions très liés, confie Guy. Willi était un humaniste, un Européen convaincu. Il nous a quittés trop tôt. »
Pendant dix ans, Guy Mallard a tenu les rênes du jumelage et a fini par lâcher les brides. « Il faut savoir s’arrêter. Les familles étaient liées, mon boulot était fait. »
Après avoir écouté les hommes pendant des années, Guy Mallard fait aujourd’hui parler la matière. Un retour aux sources, un voyage, une exposition et là, une véritable révélation.
C’est en Espagne, à Saragosse, qu’il découvre les sculptures sur métal de Pablo Gargallo. «Son atelier ressemblait à notre forge en 1950, alors qu’on était dans les années 90. » Lui, qui a toujours eu la fibre artistique, se dit alors « Pourquoi pas moi ? » Depuis, Guy Mallard se bat avec le fer et le feu pour exprimer ses émotions ou son indignation.
Infatigable amoureux de la vie, à 82 ans, Guy s’est mué en commissaire de l’exposition Échanges de regards. « L’apprentissage des arts en milieu rural. Le truchement d’artistes qui viennent à la rencontre de la population. »
Depuis quatorze ans, grâce à lui « et aux bénévoles », plus de 130 artistes ont posé leurs valises à Aubigny, le temps d’une exposition. Et un millier d’élèves, chaque année, viennent poser leurs yeux sur les oeuvres présentées.
« Échanges de regards, c’est un peu la vitrine de l’Aigaïl. Depuis, des ateliers de peinture, d’histoire de l’art ont vu le jour », sourit celui qui n’a toujours pas fini d’apprendre des autres…
Alain DUFRESNE. OUEST FRANCE – 17/07/2015.